Voilà un moment que l'on rêvait de faire cette petite traversée sur les plus beaux monts du massif Jurassien. Il nous fallait un week-end prolongé et en ce 15 Août, nous avons une opportunité que nous saisissons de nos deux bras et de nos deux jambes. Trois jours, pour faire la crête, c'est plus qu'il n'en faut mais il s'agit aussi de prendre du plaisir et donc de ne pas trop malmener nos corps. Pour autant, cette balade saura se faire exigeante. Elle permettra également de nous préparer à une plus grosse boucle prévue pour fin août qui se situera cette fois-ci dans les Alpes et plus particulièrement autour de Barcelonnette (GR56). Pour autant, nous n'y sommes pas encore et concentrons nous d'abord sur cette traversée Jurassienne qui saura pour sûr nous émerveiller.
Pour cette traversée, nous décidons de partir du sud du massif qui représente une grande arête en bordure du lac léman et face à l'arc Alpin. Certainement, un des plus beaux paysages d’Europe ! Ce choix de parcours est renforcé par le fait que nous avons une revanche à prendre auprès d'un sommet « maudit » nommé le crêt de la goutte. Si je dis qu'il est maudit, c'est parce que par deux fois il nous a interdit de monter dessus. Une première fois, une tempête de neige lors d'une ascension en raquette et une seconde à cause d'un jour blanc en hiver également. C'est donc très motivés que nous enfilons nos chaussures de randonnées et agrippons nos sacs. Point de tente car il est interdit apparemment interdit de bivouaquer. Nous sommes, en effet, dans une des plus grande réserve naturelle de France.
Niveau matériel, nous commençons à être rodés et nous emportons entre autre nos sacs de grandes randonnées alias le Treklite de millet et le cimone de Vaude, mais aussi nos softshell, nos vestes de pluies, pantalons de pluie, nos duvets Icepeak 1000 de vaude...(Nous ferons une liste exhaustive pour notre GR56). Pour les nouveautés, nous pouvons parler du réchaud à bois Kuenzi (made in suisse) et des bâtons de randonnées TSL Miage (Made in Alps). Gageons que les tests seront ajoutés une fois notre GR56 fini
La météo annonce beau pour samedi et afin de profiter un maximum de cette randonnée itinérante, nous montons à Chezery-Forens pour dormir dans un de mes gîtes favori, le bien nommé : Relais des moines (mais ne le dites à personne). Le lendemain, le départ est donné après avoir déposé la voiture à Lancrans, près de l'église (parking gratuit).
Lorsque j'allume le GPS et que je vois 385m d'altitude, je me dis que nous allons souffrir pour atteindre les crêtes. Il est à peine 8 heures et nous avons une belle journée qui nous attend car notre point de chute se situe au refuge du Gralet soit à peu près 20 kilomètres plus loin et surtout plus de 1600 mètres de dénivelés positifs !
Pour ne pas changer nos habitudes, nous perdons dès le départ le GR tour du balcon du Léman mais un petit coup de carte et nous trouvons une variante par un chemin au doux nom de Viamour. Pour autant, il n'a que son nom de doux car son dénivelé est agressif, vraiment. Le cœur s'accélère, c'est parti pour trois jours de bonheur !
Arrivés au dessus de cette grimpette qui contourne une carrière, nous nous changeons et le short est de mise. Puis, bientôt, nous récupérons notre GR en direction de la ferme Métral qui semble être le départ de la balade du crêt de la goutte. Nous sommes à 800 mètres d'altitude et savons que le plus dur reste à faire. Nous nous engageons sur le chemin des vaches qui bientôt se transforme en une pente à devenir fou sauf peut-être pour un pratiquant de la MUL (Marche Ultra Légère). Nous transpirons à grosses gouttes...tient sa tombe bien nous nous dirigeons vers le crêt de la goutte. Aurions-nous trouvé son origine étymologique ? Probablement ! Nous nous dirigeons vers la sorgia d'en haut qui une fois atteint nous ouvre sa porte. Il s'agit d'un refuge qui semble être très propre et bien équipé pour une nuit mais le notre est bien plus loin ! Pour info, il y a même des canapés ! Nous sortons à ce moment de la forêt et longeons la crête en direction de la sorgia d'en haut (ruine). Une grosse grimpette nous dirige petit à petit vers le crêt de la goutte qui se distingue enfin au loin !
Nous sommes ravis de pouvoir lui mettre enfin un visage car pour nous il n'était que brouillard, mythe et synonyme de malédiction ! Il semble magnifique. Nous confirmons cela un peu plus loin en attaquant à sa base la montée finale. Petit à petit, notre revanche sur ce crêt se confirme. Ça y est, un peu plus de 1600 mètres ! Enfin, le crêt de la goutte s'est laissé dompter ! Quelques photos et nous redescendons en direction du chalet du sac, chalet (refuge) que nous commençons à connaître. Il n'y a plus personne une fois le crêt de la goutte passé.
Enfin personne, il y a bien-sûr de nombreuses vaches qui pâturent en quasi liberté sur ce secteur. Après le chalet du sac, nous posons nos corps fatigués afin de nous ravitailler pour la seconde partie de la journée. Un petit sandwich et nous relançons la machine avant de tomber sur des framboisiers qui feront le bonheur de nos papilles et de nos estomacs. Le refuge de la poutouille est dorénavant notre direction et pour y arriver, une bonne grimpette nous attend. Le temps est radieux, nous profitons vraiment de cette journée. Arrivés à la poutouille, un panneau indique le refuge du Gralet à 1h40. Comment ça 1h40 ? J'aurai juré qu'un panneau indiquait il y a de ça une demi-heure annonçait 1h45, ça sent l'arnaque me suis-je dit!
Mais bon, il est tôt et nous continuons donc vers ce fameux refuge qui est un des plus beaux de la traversée. Petit à petit, pas après pas, montée après montée nous arriverons sur les rotules au Gralet. Bien-sûr tout le long aura été emplie de beaux paysages mais nous sommes bien heureux de voir le toit de notre refuge de ce soir. Il est 16 heures passés et sommes seuls...pour l'instant. Je dis pour l'instant car bientôt, deux randonneurs arriverons avec leurs tentes. Leurs tentes ? Il me semblait que c'était interdit. Ils m'expliquent avoir demandés à la maison du parc naturel régional à Lajoux et il serait toléré de bivouaquer à proximité des refuges. C'est à confirmer mais probable. Bientôt deux familles avec leurs enfants arriverons. Puis d'autres randonneurs arrivent ainsi qu’un suisse et lors de la nuit un couple d'Anglais. Bref, le refuge est complet et ses 19 places ne seront pas de trop ! Nous recommandons de dire à la mairie du péron que vous êtes là afin de savoir si vous aurez une place. De plus, pensez à mettre 5€/personne dans la fente prévue à cet effet (derrière la porte en montant dans le dortoir).
Le soir avance et nous décidons de tester in situ notre réchaud à bois Kuenzi (nouvelle version) que son constructeur nous a gracieusement mis à disposition pour un test (merci 1000 fois). Nous l'avions testé chez nous et chronométré le temps de chauffe par rapport à notre réchaud multifuel Edelrid Hexon (le test arrivera!). Mais c'est quand même plus intéressant sur la montagne lorsque c'est pour de vrai ! Nous faisons bouillir de l'eau qui est issue d'une cuve récupérant l'eau de pluie du toit. Ceci permet d'éviter d'utiliser des micro-pures. Ici, il n'y a pas d'eau du fait du sol karstique (calcaire) et cette eau est la bienvenue pour continuer notre traversée sans redescendre ou porter 6 litres d'eau chacun. L’ébullition dans la popotte terra d'optimus est excellente et rapide car le bois est sec
Nous sommes très ravis de ce réchaud car très compact, très fonctionnel et surtout avec un bon rendement. Son seul défaut, c'est son poids car avec 500 grammes au compteur, il ne s'agit pas d'un poids plume mais cela lui apporte une qualité et une sensation d’indestructibilité et de durabilité. On adore! Ces 500 grammes sont aussi à relativiser dans le fait que l'on ne porte pas de carburant potentiellement dangereux comme de l'essence ou du gaz et que le carburant est gratuit et souvent à disposition direct de l'endroit du bivouac (nul besoin donc de porter des branches)! On adore. Nous ferons aussi cuire notre riz un peu plus tard sans souci en quelques minutes. C'est d'autant plus agréable qu'il fait bon ce soir et que nous avons le temps de pratiquer cette nouvelle façon de chauffer notre plat.
La nuit arrive et nous discutons avec nos amis d'un soir (les deux familles) qui nous offrent à boire et à manger. Un grand merci pour cette gentillesse souvent innée chez les randonneurs et les amoureux de la montagne et plus généralement des voyageurs sans moteur.
La nuit s'annonce bonne dans nos duvets qui sont bien évidemment trop chaud pour cette nuit mais le duvet a cet avantage d'être assez frais en nuit chaude. Pour le reste, il suffira d'ouvrir le duvet. La nuit fut assez bonne. Si je dis assez, c'est que quelques ronfleurs ont semblent-ils fait un concours cette nuit. Pour l'info, les Anglais ronflent aussi bien que les Français !
Le lendemain, après avoir fait chauffer notre eau pour nos thés via notre réchaud en quelques minutes (nous commençons à l'adorer celui-là!), nous reprenons nos sacs sur le dos et partons pour notre seconde journée. Concernant le réchaud, nous nous rendons compte qu'il est nécessaire d'attendre un moment avant de pouvoir le plier et le ranger car il reste chaud très longtemps. Pour raccourcir ce laps de temps, nous l'arrosons avec l'eau de la citerne et pouvons le ranger.
Le temps semble incertain mais finalement il semble se maintenir. Nous longeons la crête en direction du reculet et du crêt de la neige, les deux plus hauts sommets de la chaîne jurassienne avec respectivement 1718 mètres et 1720 mètres au compteur. Mais avant d'y arriver, quelques belles grimpettes nous feront bien suer. La grosse journée d'hier et la petite nuit dûe aux ronfleurs n'arrangeant pas, nous marchons doucement. De plus, un vent violent sur la crête nous décoiffe. Il faut redoubler de prudence sur les pierres et lors de passages délicats le long de la falaise. Bientôt, nous croiserons des chamois puis nous marcherons en direction du reculet. Flo a mal aux genoux, moi également mais c'est moins grave. Nous faisons quelques pauses et en dessous du reculet, nous décidons de passer en dessous car la vue n'est pas dégagée et nous le connaissons déjà pour l'avoir grimpé quelques fois déjà. Par-contre, nous ne pouvons pas éviter le plus haut sommet de la chaîne, j'ai nommé le crêt de la neige.
Du haut de ses 1720 mètres, il offre une bien belle vue et son chemin permet de passer dans un des plus beaux endroits de cette traversée. Cet endroit s'appelle, le jardin Japonnais car les arbres, principalement des pins à crochets sont très tordus et rabougris du fait du climat particulièrement rude de ce secteur. Nous marchons assez doucement mais bientôt, nous arrivons au fameux sommet qui est très touristique. Très touristique car non loin, une télécabine permet de monter assez haut depuis le village de Lelex. Nous quittons le point culminant pour manger un peu plus loin dans l'herbe face au mont blanc (serait-on devenu exigeants ).
La météo semble s'améliorer et le soleil fait une apparition généreuse. Nous ne sommes plus très loin de notre gîte d'étape : la loge. Nous décidons de faire le Grand Crêt (1702m) avant de descendre en direction de notre gîte. Vers 14 heures, nous engageons la descente pour rejoindre la loge vers 15 heures. Nous en profiterons pour nous reposer, boire et manger de la glace locale à la myrtille et à la noisette (miam !). Ce repos nous fera le plus grand bien. En fin d'après midi, après avoir flemmardé sur des canapés nous attendons qu'une chose, le repas !
Il sera copieux, bon et accompagnés de discussions nourries sur la randonnée, la franche comté et au delà avec des randonneurs aguerris qui ont fait des tours au Népal, le GR20 et j'en passe ! Une bonne soirée et une bonne nuit dans ce refuge qui vous propose ses services pour 30 € en demi-pension. Il n'y a pas d'eau potable mais il est possible d'acheter des bouteilles d'eau pour finir la traversée. La nuit sera meilleure car peu de ronflements auront été émis par les différents belligérants !
La météo pour le lendemain est annoncée instable. D'ailleurs, il a plu toute la nuit et le tonnerre s'est fait entendre. A ce propos, n'essayez pas de randonner sur la crête pendant un orage car ici, parait-il que la foudre est « courante ». Le sol calcaire ferait marcher la foudre horizontalement ce qui ,vous pouvez l'imaginer, peut devenir vite ingérable! A 8 heures, le temps est maussade et après le petit déjeuner, nous attendons un peu avant de voir une éclaircie. Nous partons donc pour la dernière partie de notre traversée qui doit nous faire passer par le grand Colomby de Gex (1688m). Au départ, le temps se maintient mais nous voyons très bien que le brouillard de la vallée remonte. Au col du crozet, nous serons rejoint par le brouillard. Pour autant, nous continuons car nous nous devons de savoir nous orienter par temps brumeux (gestion du stress, amélioration et la concentration et de l'orientation) car nul n'est à l'abri d'une soudaine montée de brouillard.
Bien-sûr, il peut être plus prudent de pauser la tente, surtout si vous êtes dans une zone dangereuse (crevasses, falaises...) De notre côté, nous avons un GPS et nous suivons sans trop de souci le GR qui est très bien balisé dans ces immenses prairies. Les montées et les descentes s'enchainent dans le brouillard et bientôt, une petite éclaircie fait son apparition. Nous arrivons face à un troupeau imposant de vaches et quelques unes s'excitent. Nous attendons un peu avant de traversée et regardons s'il n'y a pas de vaches allaitantes car ces dernières peuvent se révéler dangereuses (défense de leur petit). Nous traversons sans les effaroucher avant de continuer vers le Colomby de Gex. Puis une énorme montée s'annonce. Serait-ce le fameux Colomby ? Même pas ! Il est à peine plus loin, là haut dans le brouillard !
Une bonne grimpette plus tard et nous voici au sommet à 1688 mètres d'altitude. Un panneau accroché sur une croix en fer nous le confirme.
Doucement mais sûrement, nous arrivons à proximité de Mijoux. Mais avant de finir, nous faisons la pause déjeuner en contemplant la vallée de la valserine. Nous arriverons à Mijoux vers 15 heures après à peu près 5 heures de marche.
La traversée est donc bouclée en un peu moins de 50 kilomètres et un gros denivelé mais aussi de magnifiques souvenirs et paysages ! Une traversée, qui je pense, mérite sans doute de rentrer dans le top 10 des plus belles traversées de France.
Si la traversée est finie, l'aventure ne l'est pas car si vous vous souvenez, nous avons laissée la voiture à Lancrans, notre point de départ. En ce lundi férié, point de bus et le taxi est hors de prix. Nous optons donc pour le stop, affectueusement appelé le pouce. 40 kilomètres d'une petite route nous sépare de notre véhicule. Nous tendons donc le pouce sur un parking à Mijoux et après quelques échecs, une femme s'arrête pour nous et nous descend à chezery-forens. Il s'agit de la fromagère de la fruitière à comté de chezery forens. Un grand merci à elle pour nous avoir pris et pour les fromages qu'elle fabrique dont nous sommes fan ! A chezery-forens, le panneau indique qu'il nous reste une quinzaine de bornes. Nous optons pour faire une partie à pied et de tendre le pouce au fur et à mesure.
Dans ce jeu, Florence excelle. Forcément les gens s'arrêtent plus pour une fille...mais pendant une bonne période, personne ne dédaigne s'arrêter car il s'agit de voiture de touristes. Parfois, il vaut mieux compter que sur soi-même et nous marchons donc au moins une bonne huitaine de kilomètres dans une montée et une route étroite. Fatigués, une voiture s'arrête finalement pour nous et nous fait avancer de quelques kilomètres (merci beaucoup!). Nous finirons le reste à pied avant d'arriver fatigués mais heureux à notre voiture que nous saurons apprécier à sa juste valeur pour nous faire remonter en 15 minutes ce que nous avons mis deux heures à descendre en faisant du stop et trois jours par les sommets à pied ! (cf. l'article "Pourquoi partir ?" sur les différents mondes que sont la marche, le vélo la voiture et l'avion)
Un rêve de réaliser, cela n'a pas de prix. La traversée de la Haute Chaîne du Jura est une merveille ? Oui, sans doute. Tout du moins un parcours somptueux dans une nature préservée et avec une des vues les plus belles d'Europe. Que demander de plus pour des amoureux de la montagne qui sont en quêtes de paysages merveilleux et de moments inoubliables ? Cette randonnée, nous a prouvée qu'elle se méritait et que trois jours n'étaient pas tellement de trop même si deux jours pourraient suffire. Pour autant, il me semble quand même important de prendre son temps justement pour profiter un maximum de ce secteur présentant un potentiel exceptionnel pour des randonneurs de tout niveau. Nous espérons être prêts pour le GR56 qui s'annonce également difficile et tout aussi merveilleux bien qu'il ne s'agisse pas du tout du même type de paysage et de montagne.
Pour finir, je vous invite donc fortement à prendre trois jours (ou plus) de votre temps pour explorer ce secteur et les alentours et faire des sommets comme le mont d'or, dent de vaulion, monts de beaulmes, crêt de Chalam, le chasseron, le creux du Van, la Dole...
Bonnes randonnées sur les montagnes du massif Jurassien et néhsitez pas pour aller faire un tour sur l'onglet cartographie !