Petite page pour vous présenter cette ascension du Pic Coolidge que j'ai gagné grâce à un concours du plus beau récit d'aventure organisé par la boutique Le Yéti. Vous trouverez ici, le matériel emporté, mes différentes réflexions et par la suite le récit de l'aventure accompagné de photographies et de vidéos.
Cela faisait un bon moment que j'avais envie de faire un sommet en haute altitude. Il faut dire que l'approche que j'en avais eu dans le Mercantour m'avais fasciné. Pour autant, ce n'était pas tout à fait ce dont je rêvais car cette découverte était au final une randonnée sur un chemin tracé où aucun équipement spécifique n'était nécessaire. Ici, dans le massif du Jura, il y a bien-sûr de quoi se balader et découvrir des coins merveilleux et nos dizaines de randonnées en sont la preuve. Pour autant, j'avais comme un besoin d'aller plus haut, sur un sommet dominant, là où l'homme n'a plus tellement sa place.
Encordé et cramponné comme dans les récits d'alpinistes et ainsi repousser mes limites. D'aucuns diraient qu'il faut avoir un brin de folie pour avoir une telle envie. Et pourtant, l'envie était bien là, fugace mais bien là. Au contraire, Florence, ma partenaire dans la vie et lors de nos aventures n'avait pas ce ressenti et c'est ainsi que je devais pour une fois partir sans elle. Comme le hasard fait parfois bien les choses, j'ai gagné l'année précédente une ascension pour deux après avoir participé à un concours[1] de récit de voyage. En faisant troisième, j'ai ainsi décroché mon billet non par pour la lune mais pour une ascension du Pic Coolidge. Un sommet de 3774 mètres dans le massif des Écrins, en plein cœur du Parc National du même nom. Après réflexion, j'ai décidé de demander à Francis de devenir mon compagnon de cordée. Francis est un ami et collègue de travail avec lequel je me voyais réussir cette ascension. La marche et l'altitude ne lui faisant pas peur, nous pouvions partir assez confiant.
Après la joie et l'excitation d'avoir remporté le droit de faire cette ascension avec un guide de haute montagne vient indubitablement les doutes : « Serais-je vraiment à la hauteur ? », « Est-ce vraiment ce que je veux ? », « N'est-ce pas prendre trop de risques ? »... sont autant de questions qui surviennent à l'esprit. Cette diversité de sentiments perturbent, questionnent mais aussi pimente cette aventure naissante. On réfléchit également sur le matériel à emporter et la préparation physique minimum à ce genre de course. Les semaines passent, on se renseigne sur la difficulté, la dangerosité d'une telle sortie mais petit à petit il est nécessaire d'accepter les risques et les nombreuses interrogations restées vaines. Au final, se confronter à la réalité reste encore à ce jour la meilleure méthode pour que nos questions trouvent réponse. Et c'est ainsi que la direction du massif des Écrins fût prise le mercredi 26 juin pour en découdre.
[1]Concours le Yeti, sur le récit de voyage outdoor
Ma liste de matériel n'est sans doute pas parfaite et contient peut-être pour certains, quelques points à améliorer. Pour autant, personne ne détient la vérité dans le domaine et je pense que la liste proposée permet (sans prétention aucune) de donner des axes de réflexions quant au matériel à apporter pour une course en haute montagne.
Matériel | Référence | Pourquoi/Avis | Poids (g) | Utilisé | |
Équipement pour l'alpinisme | |||||
Chaussures cramponnables | Salewa Raven GTX | Chaussures d'alpinisme cramponnables de qualité signée Salewa permettant de partir bien chaussé en haute montagne. |
1600 | oui | |
Crampons semi-auto 12 pointes | ? prêté par le guide | Indispensable pour les passages sur glace et névé pour grimper en sécurité, enrayer une chute | ? | oui | |
Piolet canne | ? prêté par le guide | Indispensable pour les passages sur glace et névé pour grimper, enrayer une chute | ? | oui | |
Casque | ? prêté par le guide | Indispensable en haute montagne pour la chute de pierre ou une chute tout court | ? | oui | |
Sac à dos 40 litres | Escapator 30+10 Vaude | Un sac adapté à la haute montagne. Équipé de toutes Les astuces pour ranger le matériel dédié à cette pratique. |
1313 | oui | |
Lunettes de soleil catégorie 4 | Julbo Trek rx 437 | Lunettes de haute montagne signée Julbo. Une paire photochromique catégorie 2-4 Qui protège bien les côtés, qui possèdent une aération sur les verres et des Branches déformables pouvant s'adapter a la morpholgie et au casque. |
34 | oui | |
Bâtons de rando | Bâtons Miage TSL | De beaux bâtons performant alliant légèreté et solidité, un must dans le domaine. | 360 | oui | |
Baudrier + mousqueton | Petzl corax | Baudrier d'escalade utilisé lors de ma pratique de ce sport en salle | 650 | oui | |
Guêtres | TSL | Pour la neige | 300 | oui | |
Gants | Gants Hestra Heli Ski 3-Finger (250) + gants simples thinsulate (91g) + gants de soie (24g) |
Une paire de gants en soie + une paire de gants « légers » et une autre paire « chaude » En trois doigts. Protéger les doigts est indispensable en haute montagne. |
365 | oui pas les chauds | |
Hydratation, nourriture | |||||
Thermos 1 l | Thermos light & compact | Légère et efficace pour conserver au chaud longtemps. Contiendra un litre de thé chaud sucré Pour l'ascension finale. |
510 | oui | |
Poche à eau 2 l | Source 2 l | Pour m'hydrater tout le long de l'ascension. Poche à eau de qualité sans goût et durable dans le temps. | oui | ||
Barres de céréales/raisins secs... | Grande surface | Pour les petites faims et pour redonner des coûts de fouets, saucisson, pain. Le repas du soir sera pris en refuge. | 200 | oui | |
Vêtements | |||||
Casquette | Sahara vaude | Une casquette qui couvre les oreilles et la nuques qui sont des parties sensibles face Au soleil (surtout la nuque). Permet d'éviter la surchauffe. |
15 | oui | |
Pantalon | Vaude | Pantalon softshell léger, coupe vent que j'adapterais selon la fraîcheur avec les sous-vêtements thermiques Damart Sport |
430 | oui | |
Sous vêtements thermiques | Damart Sport | Des sous-vêtements thermiques de grande qualité. Léger et efficace, un must dans Le domaine. (haut et bas) |
230 | oui | |
Veste Softshell | Millet | Veste softshell qui ne me quitte plus depuis que je la possède. Légère, d'une polyvalence Énorme et d'une efficacité sans commune mesure. |
565 | pas pris | |
Veste de pluie montage | Bergans | Veste de haute montagne signée Bergans. Résistance aux frottements accrue et résistance Au climats rudes sont ses credo |
551 | oui | |
Doudoune | Antza 80 2P | Pour le froid en haute altitude, je mise sur cette doudoune que je peux coupler avec la Veste Bergans. Très compact et légère dans sa pochette de compression, elle passe Inaperçue mais saura se faire agréable en cas de besoin. |
340 | oui | |
Tee-shirt merinos | Icebreaker | Un t-shirt manches longues (hiver pour l'altitude) et un manche courtes (été) pour la Marche d'approche. Un bon produit naturel qui offre une belle première/seconde couche. |
300 | oui | |
Cagoule | Helmaclava xtrem | Une cagoule permettant de gérer le froid intense souvent couplé au vent. Une protection Qui pourra se faufiler sous le casque. |
55 | oui | |
Chaussettes | Xsocks trekking et light | Deux paires de chaussettes xsocks, une pour la marche d'approche et la seconde pour le sommet (plus chaude). | oui | ||
Équipement électronique- sécurité | |||||
Appareil photo | GF1 lumix | Un appareil de qualité pour les souvenirs | 450 | oui | |
Caméra sport | Drift HD | Pour les souvenirs en vidéo lors de l'ascension et au sommet. Une belle caméra compacte Qui offre de belles images en HD. |
150 | oui | |
GPS + 4 piles nimh 2700 | Garmin Gpsmap 62S | Pour récupérer la trace de notre parcours et la partager sur partir-en-vtt Et revenir sain et sauf si le guide nous lâche:D |
250 | oui montée avec 2 piles | |
Téléphone portable free/sfr | Sony xperia avec double sim | En cas de besoin, si l'un des deux réseaux passent ! | 97 | non | |
Frontale | Energizer | Pour la nuit et le départ le jour j de l'ascension finale. Pîles neuves. | 78 | oui | |
Sac à viande en soie | Decathlon | Pour la nuit dans le refuge | 30 | oui | |
Autre | Trousse de secours, couteau, labello, crème solaire, papiers d'identités, CB... Le BaBa de la survie. | 200 | oui | ||
Argent | liquide et chèques | Pour payer le refuge et les aléas | oui | ||
Assurance vieux campeur | En cas de pépin, recherche et sauvetages hélico compris | non | |||
Poids total du matériel sans eau | 9073 | ||||
Poids du matériel avec eau (si poche à eau de deux litres remplie et thermos 1 litre également) | 12073 |
De la liste théorique du matériel à la liste idéale sur le terrain, il y a parfois un monde. Trouver le meilleur compromis sur le triptyque « sécurité/légèreté/efficacité » n'est en rien une mince affaire. Vous trouverez ci-dessus sur le tableau une case « utilisé oui/non », qui fait un récapitulatif du matériel utilisé au moins une fois sur les deux jours de l'ascension. Attention car même si le matériel n'a pas été utilisé, cela ne veut pas dire qu'il était inutile et qu'il ne devrait pas être repris pour une autre ascension.
Sur cette liste, ma plus grosse hésitation se trouvait sur la veste Softshell. Après réflexions et des discussions sur le forum Expemag, j'ai pris le pari de ne pas la prendre. En effet, elle faisait doublon. La veste de pluie semblait suffisante si couplée avec un sous-vêtement thermique et un t-shirt manches longues (technique dite de l'oignon). Au besoin, pour la chaleur, je pouvais opter pour la doudoune Antza. J'ai donc laissé de côté cette veste et au final, la solution a été concluante car je n'ai eu nullement besoin de celle-ci car alternant entre la veste de pluie sur les parties techniques et la doudoune lors des moments de repos ou plus froid. Je n'ai pas utilisé la doudoune en dessous de la veste de pluie (pas assez froid). Concernant le reste du matériel, je reste très satisfait globalement de mes choix. Mention spéciale aux chaussures Salewa Raven GTX, à ma Doudoune Antza, aux bâtons TSL Miage, aux sous-vêtements thermiques Damart Sport, aux lunettes Julbo rx 437, à la cagoule, à la thermos ou encore au sac à dos vaude Escapator de 40 litres qui m'a permis de porter ce matériel sereinement et efficacement. Seul les guêtres TSL (en fin de vie) m'ont un peu déçues car le câble d'une des guêtres a cassé rapidement.
S'il fallait réfléchir pour encore faire plus léger, je dirais qu'emporter un sac de 30 litres pour l'ascension finale pourrait-être un bon choix car le matin du départ, le sac de 40 litres était plutôt vide (grâce à la possibilité de laisser des choses au refuge et au fait que l'on utilise du matériel sur soi). On pourrait aussi retirer le GPS étant donné que l'on part avec un guide, l'appareil photo et/ou la caméra de sport si ce genre de souvenirs ne vous intéressent pas. On pourrait aussi partir qu'avec un seul bâton même si dans les petits névés, cela reste très pratique.
Concernant la gestion du liquide, le matin de l'ascension, je suis partis avec 1,5 litres d'eau et la thermos d'un litre remplie. Ceci m'a permis de m'hydrater avec la poche à eau source au départ et à la fin de la course. Au milieu, c'est à dire à la plus haute altitude, je suis passé au thé chaud et sucré. J'ai tout consommé (en donnant un peu de thé à Francis et à un guide ayant préparé la thermos). Concernant la nourriture, j'ai consommé 4 barres de céréales, un peu de saucisson et quelques raisins secs. Il faut dire que le thé très sucré m'a permis de bien tenir aussi. Concernant l'utilisation d'une poche à eau, il faut faire attention à bien souffler l'eau du tuyau sous peine de le voir geler. Cette technique est par-contre assez épuisante si comme moi vous buvez souvent en petite quantité.
Voilà pour la partie matériel. N'hésitez pas à faire vos commentaires sur cette partie technique mais très importante qui permet de partir serein. Place au récit de l'aventure !
En ce mercredi 26 Juin, ce n'est pas un réveil comme les autre qui retentit. La routine du travail est remplacé par l'excitation du départ pour cette tentative d'ascension du Pic Coolidge. Le sac à dos prêt de la veille attend patiemment que je le bascule sur mes épaules. Tout a été vérifié deux ou trois fois et avec un peu d'optimisation tout est passé dans ce dernier. Je sais que Florence s'inquiète pour moi car cette aventure hors norme qui n'est certes pas l'Everest reste quelque peu engagé et en haute montagne, une erreur, la malchance sont des facteurs par définition pas toujours maîtrisable. Florence m'emmène à la gare pour que je puisse rejoindre le domicile de Francis d'où nous partirons en voiture. Nous partons en avance et étonnamment, la roue avant gauche de notre voiture crève et ne veut plus nous porter. Serait-ce un signe quelconque ? Je ne suis pas superstitieux et change la roue sur le trottoir avant de repartir vers la gare toujours aussi motivé. Plus tard, c'est non sans une certaine émotion que je quitte Florence après un au-revoir où elle me demande de faire attention. Je suivrais bien-sûr cette recommandation à la lettre ! Le train malgré son retard me fait m'éloigner de Besançon. Je prends ce temps nécessaire pour me focaliser et me concentrer sur cette ascension. Je rejoins Francis, après avoir été acheté quelques barres de céréales et des boules Quies en pharmacie. Il me montre ses affaires et me demande s'il me semble manquer quelques choses. Je pense qu'il prend trop de vêtements mais nous ferons le tri ce soir. Je lui ai apporté une doudoune Antza que Florence a bien voulu lui prêter. Partir avec un vêtement chaud et léger reste un luxe, merci la plume !
Nous voilà maintenant partis en voiture à travers différentes nationales. Quelques heures plus tard, nous sommes aux portes des Alpes. La vallée gigantesque de Grenoble annonce la couleur. Nous voilà dans le pays des montagnes. La direction de l'Oisans est prise et c'est ainsi que nous rentrons dans une vallée étroite où des parois abruptes dominent le torrent en contre-bas. Bientôt, nous arrivons à Bourg-d'Oisans où nous faisons halte pour que Francis puisse louer des chaussures cramponnables. Nous repartons et prenons alors la direction de la Bérarde (Commune de Saint-Christophe en Oisans). Doucement mais sûrement, la petite route nous fait remonter cette gigantesque vallée. Parfois, la route est étroite et vertigineuse mais la beauté des paysages nous fait vite oublier ce petit désagrément. Prudemment, nous arrivons à la Bérarde.
Le coin est paradisiaque pour qui aime les montagnes et la nature. Pour notre nuit, nous avons réservé à l'Auberge de la Meije. Un jeune couple nous accueille dans ce superbe complexe en plein cœur des Écrins. Les affaires posées, nous allons longer le cours d'eau pour découvrir de plus près les paysages mais aussi et surtout la flore locale très fleurie à cette époque. Nous sommes émerveillé par tant de diversité et de beauté J'y découvre ainsi nombre de fleurs et arbustes comme les rhododendrons ou la clématite des Alpes. Vers 19h30, nous rentrons pour manger et allons nous coucher tout en pensant à notre future ascension. Demain, le départ sera donné vers 10 heures pour monter au refuge de la Temple avec notre guide Julien.
Le réveil sonne vers 7h30 pour un petit déjeuner à 8 heures. Ceci nous laisse le temps de bien manger, de digérer et de finir la préparation du sac mais aussi de prendre du recul sur ce qui nous attend. Nous laisserons ainsi quelques vêtements et autre dans la voiture pour ne pas les monter au refuge. Le sac est prêt et nous nous laissons à la rêverie en attendant 10 heures. Pour l'instant il fait beau mais la météo annonce un après-midi plus mitigé. C'est pourquoi le départ a été avancé par rapport à ce qui était prévu (début d'après midi). En effet, de la Bérarde au refuge de la Temple, il faut compter environ 3 heures de marche et 700 mètres de dénivelé. A 10 heures, nous descendons donc au grand parking et rencontrons Julien notre guide. De suite, le tutoiement est de mise et sa sympathie transparaît. Avant le Jour j, j'avais déjà eu plusieurs échanges avec lui et il avait toujours su répondre à mes interrogations.
Julien nous donne nos crampons, notre casque, baudrier et piolet canne. Tout cela augmente un peu le poids du sac mais nous avons embauché un guide et non un sherpa comme il aime nous le rappeler. Nous rigolons et ne tardons pas à partir sur notre marche d'approche. La vallée est somptueuse et nous profitons du temps important que nous avons à disposition pour discuter, prendre des photographies et s'émerveiller à nouveau. La vallée remonte doucement jusqu'au refuge du Carrelet. A ce moment, nous sommes rentré dans le Parc National des Écrins depuis un bon moment. Nous voilà à 1900 mètres et notre destination qui se situe à 2400 mètres se trouve juste au dessus de nous.
A présent, les choses sérieuses commencent. La grimpette se précise. Nous passons un torrent sur un pont composé de trois grosses planches. Il fait bon et nous continuons l'ascension par une succession de petits virages. Par moment, quelques très jolies vues se dégagent et le chemin devient légèrement aérien. Petit à petit, nous prenons de l'altitude, croisons quelques randonneurs fatigués (ayants sûrement fait un sommet). La courbe des 2400 mètres est bientôt atteinte et le petit drapeau du refuge de la Temple pointe son nez.
Ce refuge est comme encastré dans la montagne. Des montagnes à 360 ° assurent le décor et la fascination. Nous sommes tout de même content de poser le sac et d'ôter nos chaussures pour nous aérer. Des bancs à l'extérieur permettent de manger nos sandwich face à ce spectacle grandiose. Vers 14 heures, le temps change brusquement et des nuages recouvrent la vallée. Le froid nous fait migrer dans le refuge où nous nous installerons dans le dortoir « Pic Coolidge » et discuterons dans la salle commune. Dehors il neige un peu et après une bonne sieste, quelques éclaircies feront leurs apparitions. Ceci me permet de sortir du refuge et d'aller faire quelques photographies de fleurs et de paysages.
Plus tard, Julien nous annonce le topo. Ce soir nous mangerons tôt car demain le réveil sonnera à 4 heures pour un départ avant 5 heures ! Il nous explique aussi que la voie normale qui était prévue est en ce moment trop dangereuse. Ainsi, nous allons devoir emprunter la voie originale de M. Coolidge qui est plus dure techniquement car devant passer par un couloir de 100 mètres accusant une pente de 45 à 50 degrés ! Ainsi au lieu de côter F (Facile), la course côte maintenant PD (Peu Difficile). La tension monte alors d'un cran. Attention, cette classification ne tient pas compte de la difficulté physique mais technique. En effet, la voie normale passe par le col de la Temple puis emprunte des vires vertigineuses.
Mais avec la neige accumulée, le passage est devenu trop dangereux. Ces annonces me font vraiment rentrer dans la course car aujourd'hui tout était sympa et détendu. Demain sera vraiment l'opposé d'aujourd'hui. Nous profitons également du moment pour paramétrer nos crampons à nos chaussures pour que demain leur accrochage se fasse facilement.
Le soir arrive assez vite et après un repas assez copieux à base de couscous, nous nous dirigerons vers le lit. Quatorze personnes (guides compris) souhaitent monter le Pic Coolidge demain. Des Lorrains et des Écossais qu'il ne faut pas traiter d'Anglais avec qui nous rigolerons lors du repas. Pour bien dormir, je m'enfile dans mon sac à viande, sous la couette et met instinctivement des boules quies. Dans les refuges, ces petits bouts de mousses peuvent vous sauver la nuit et votre course ! Comme toujours dans ce type de refuge la nuit est longue et pourtant trop courte. Je dors bien la première partie de la nuit et me réveille vers 1 heure pour me rendormir plus tard et me faire réveiller de nouveau à 3 heures par le départ du dortoir « Écrins ».
Le réveil définitif à 4 heure arrive et la pression monte d'un gros cran. Le petit déjeuner pris, nous nous habillons, bouclons les sacs et mettons nos chaussures. Le départ est donné à cinq heures moins le quart, frontale fixée à la tête. Une photo plus tard, nous nous engageons dans la nuit noire. Le chemin grimpe en zig zag. Nous sommes les premiers à partir. Bientôt, nous traversons un névé glacé puis passons quelques endroits où nous poserons les mains pour passer.
La nuit, l'orientation et les sensations sont différentes. La frontale éclaire une petite partie du chemin et sur ce chemin un peu aérien, nous faisons particulièrement attention. Malheureusement pour nous, le ciel est bouché par un brouillard assez dense mais ceci n'empêche pas d'éteindre la frontale rapidement. Malgré notre bon rythme, une cordée nous rattrape et nous double. Plus loin, après le passage d'un autre névé faisant office de couloir d'avalanches, la montée devient plus féroce. La cordée du dessus fait tomber une belle pierre qui dévale dans le névé et qui par chance ne touche personne. Ici, il faut faire très attention car il n'y a pas vraiment de chemin et le sol est instable. Julien en tête nous cherche le meilleur chemin possible.
On arrive au bout de cette partie difficile et Julien nous annonce que nous avons justement fait le plus difficile...mais que la partie la plus exécrable arrive ! Cela nous fait rigoler mais intérieurement, je me demande ce qu'il nous attend même si je l'imagine au fond de moi. C'est la neige et la glace qui nous attendent car à ce moment là nous enfilons le baudrier, les crampons et Julien nous encorde. Je me retrouve troisième de cordée et Francis second. Équipés, nous partons sur la neige bien dure. Julien nous explique qu'il est nécessaire de planter toutes les pointes des crampons pour être en sécurité. Il faut ainsi dans les dévers tordre les chevilles et jouer avec ses jambes. Nous marchons sur cette partie tranquille et bientôt, nous arrivons en dessous du col de la Temple et du Pic Coolidge. Derrière nous, la vue se dégage. Cela offre une belle perspective d'avoir une belle vue au sommet ! Moment magique. Cela nous motive et nous engageons la suite en direction du fameux couloir à 50°. Mais avant d'arriver à ce passage obligatoire et ardue, nous devons monter férocement en direction de celui-ci. Pour en avoir discuter avec Francis, cette montée juste en dessous du couloir a presque été plus dur que le couloir lui même.
Nous nous servons du Piolet canne comme d'une aide en le mettant toujours en amont de la pente et c'est assez fatigué que j'arrive au pied du couloir. Heureusement, Julien veut bien nous accorder une pause avant de se lancer dans ce passage qui restera sûrement le moment le plus intense de cette course. Devant nous, la première cordée est déjà bien engagée et fait tomber un peu de glace dans le couloir. C'est pour cela que Julien aurait aimé que nous soyons les premiers sur ce passage. Feu vert, le départ de la goulotte est donné.
Je suis toujours troisième et c'est corde tendue que nous montons doucement ce quasi mur de glace. Mon pré-sentiment était le bon. La difficulté tant technique que physique de cette ascension est concentrée sur ce passage. Par chance, quelques personnes ont déjà fait la trace et, tout le long, de petites prises d'escalades sont disponibles. Nous plantons les pointes des crampons et le piolet à chaque pas. L'ascension semble interminable et la vue sur le bas ne donne pas envie d'y glisser. Ce passage intense est incroyable, et mon cerveau semble me demander si je me trouve dans un rêve ou dans la réalité ? Il s'agit bien de la réalité, le battement de mon cœur me le rappelle. Après de longues minutes, nous y sortons avec un grand soulagement.
Les jambes ont bien soufferts mais le moral est intact. J'ai filmé ce passage avec ma Drift HD et je vous invite à aller voir la vidéo pour comprendre la difficulté de ce moment de l'ascension. Ainsi, je renomme personnellement ce couloir avec le doux nom de « couloir de la mort » car à la question « Et si on tombe ? », Julien répond simplement par la phrase suivante qui est percutante : « Si on tombe, c'est la tombe » ! Nous en rigolons mais cette partie de vérité nous la connaissions même si durant la montée, aucune peur ne m'a rattrapé tellement ma concentration était à son apogée ! Au sommet de la goulotte, nous sommes à 3600 mètres et la vue est formidable, j'en reste bouche-bée. Le Pic Coolidge est là, à portée de crampons. Nous distinguons bien-sûr l'Aile Froide et son glacier suspendu, le Mont Pelvoux, le Pic Sans Nom et sa fameuse voie « la Raie des Fesses », sorte de couloir dans la falaise une voie des plus dures de ce massif (côté ED (extrêmement difficile))...
Nous prenons une petite pause et commençons à sentir les effets de l'altitude. Pas de mal de tête mais une certaine lourdeur qui pèse sur les épaules. Le temps semble ralenti. Ceci ne nous empêche pas de nous lancer en direction de notre objectif final : le Pic Coolidge ! Il est là, à vol d'oiseau comme pour le chocard, ce serait si simple, mais pour nous, il faudra encore donner du sien pour parvenir au sommet. Au départ, la pente est assez facile puis devient plus rude. Nous montons en zigzagant puis arrive une crête où il ne faut pas trop s'approcher car un énorme pont de neige domine une falaise. Nous suivons la crête, peinons et passons quelques passages un peu vertigineux. Les derniers efforts sont donnés après une petit pause.
Bientôt, l'antécime est vaincue. Un petit moment de concentration et nous arrivons au sommet du Pic Coolidge en passant une petite crête. Nous sommes à la fois heureux et bien fatigués et un peu assommé d'être ici. Nous apprécions le paysage, prenons des photos, mangeons un petit quelque chose tout cela sur un pic où les pentes n'ont d'égales que les sommets avoisinants. La vue sur la face sud de la barre des Écrins est fantastique. Nous sommes au cœur de ce gigantesque massif montagneux à 3774 mètres. Nous distinguons que sommets, glaciers et ce à 360 degrés.
La vue est féerique et austère à la fois. Quasiment rien ne vit à cette altitude. Nous nous félicitons de cette réussite, prenons un peu de temps pour profiter avant de redescendre. Nous sommes vraiment content de nous et ce d'autant plus que les deux cordées Écossaises ont fait demi-tour en nous voyant monter le couloir. Nous sommes heureux et après cette euphorie, le retour est dans tous les esprits pour les non professionnels, surtout le couloir à 50° qu'il va falloir désescalader.
Comment être plus explicite qu'avec cette phrase ? La montée est une chose et la re-descente en est une autre. En effet, durant la montée, la motivation du sommet permet de se dépasser mais il faut savoir en garder sous le coude afin d'entamer la descente dans de bonnes conditions. Souvent, les accidents en montagne se produisent dans la descente pour cause de fatigue mais aussi parce que descendre reste moins naturel pour nous que de monter. Pour cette partie, Julien m'annonce que je passerai en premier. Je prends mon courage à deux mains, passe l'antécime et engage la descente raide le long de belles pentes en suivant les traces. Étonnamment, je me sent à l'aise. Il faut dire que la neige dure assure une emprise excellente au sol. Je donne le rythme à la cordée. Nous nous permettons même de prendre une photo. Julien me dit qu'il est impressionné par ma prestation. Il faut dire qu'à ce moment là, je me sent vraiment bien, un de mes rêves vient de se réaliser. Le petit passage dans les cailloux rendu délicat passé, la descente continue et nous traçons ensuite tout droit en direction du couloir avec la technique dite du « canard » tous crampons plantés dans la neige. Une petite pause et nous prenons notre courage à deux mains avant de nous élancer.
Toujours en tête, je pars au départ face à la goulotte puis me retourne lorsque la pente devient trop étroite. Corde tendue, nous nous élançons dans cette descente vertigineuse. La première partie est longue, très longue. Je cherche les prises qui ne sont pas toujours aisées à trouver. Julien au dessus nous encourage. Je communique assez souvent avec Francis pour lui dire si les traces tournent à gauche ou à droite. Parfois je lui demande de ralentir car la corde entre nous se détend. Le temps semble s'arrêter mais petit à petit, nous descendons ces 100 mètres qui en paraîtront 200. A mi chemin,
Julien se pose sur un rocher pour nous assurer jusqu'au bout de la goulotte. L'estimation des distances est difficile mais nous arrivons à un endroit où nous pouvons faire une petite pause. Julien nous rejoint rapidement et nous continuons encore un peu à reculons avant de nous retourner pour descendre dans le dévers. Francis ne se sent pas très à l'aise dans ce dévers mais nous finissons par passer cette partie difficile. Il faut dire que la neige commence à transformer et que les crampons n'accrochent plus si bien. La pente s’adoucit mais la neige molle nous fait faire quelques glissades. La pression redescend, nous avons passé la grosse difficulté. Sans comprendre vraiment pourquoi, Julien repasse devant et nous descendons dans la neige qui devient vraiment molle. J'ai faim mais nous descendons car Julien ne veut pas faire de pause dans la neige. Pour éviter de se fatiguer dans le chemin caillouteux, nous descendons fortement dans la neige. Je suis troisième de cordée et Francis ne contrôle pas toujours ses pas et me tire avec la corde. Parfois, notre jambe s'enfonce et si la cordée continue, on chute et on glisse.
Il faut beaucoup de communication. Je chute plusieurs fois sans gravités. Je me rattrape une fois avec le piolet et une seconde fois, Francis retient ma chute. Je suis fatigué et Julien comprend que je préfère être devant car je contrôle mieux ma descente. Ainsi, je ne chute plus et bientôt, nous retrouvons le chemin et quittons définitivement la neige. C'est l'occasion de boire, de souffler et de manger un peu. J'ai faim mais n'arrive pas trop à manger, l'altitude me dit Julien. Il reste une petite heure de marche jusqu'au refuge et c'est tranquillement que nous le rejoindrons. Je suis alors comme sur un petit nuage. Le chemin aérien se laisse découvrir. Nous passions ici même il y a quelques heures, de nuit. Il ne fallait pas trébucher ! L'aller-retour entre le refuge et le pic nous a ainsi pris neuf heures ! Au refuge, nous commandons une omelette et nous nous reposons. Puis, plus tard, nous redescendons tranquillement sans faire trop chauffer les genoux vers la Bérarde. Nous mettrons deux bonnes heures pour rejoindre notre point de départ, fatigués mais heureux d'avoir réussi cette épreuve sportive qui restera gravée en nous pour très longtemps.
Que dire si ce n'est que l'ascension de ce Pic Coolidge a été une aventure extraordinaire. Je pense que le pari est amplement tenu. La découverte de ce sport extrême et la concrétisation d'un rêve se sont réalisés dans de très bonnes conditions. J'ai été agréablement surpris par mes capacités à réussir cette course sans trop d’appréhensions. Sur l'arrête finale, la vue phénoménale et le fait d'avoir gagné le sommet m'ont transporté dans un monde à part, celui de l'alpinisme. J'ai vraiment profité de cet instant où le rêve devient réalité, où les questions si prenantes d'avant trouvent réponses.
Cette course m'a ainsi permis de rentrer dans le monde de l'alpinisme et d'entrevoir pourquoi tant de personnes sont fascinés par ce monde si austère qu'est la haute altitude. Il est difficile d'exprimer ses sentiments tant ils sont nombreux. La joie, la peur, l'excitation , la fascination ou encore la fatigue ont été ressentis. Mais c'est surtout la joie d'avoir réussi qui restera gravé dans ma mémoire et je peux vous dire que si cette expérience vous tente, n'hésitez pas un instant, franchissez le pas.
Je tiens à remercier également Francis pour m'avoir suivi dans cette aventure mais aussi Julien Laurence, notre guide qui a su nous motiver et nous faire gravir et descendre ce sommet dans d'excellentes conditions. Je recommande bien-sûr ses services tant Julien est compétent et saura vous faire aimer la montagne. Vous trouverez son site Internet ici pour plus d'informations. Enfin et pour finir, je tiens à remercier Florence qui m'a soutenu dans la réalisation de ce rêve qu'elle ne partageait pas.